Quelques remarques sur la nécessaire hiérarchisation des contenus de formation, sur le rôle de la certification, des catalogues de contenus pédagogiques digitaux et des market places… La curation des contenus : nouvelle mission stratégique des services formation.
Infobésité
Le concept d’infobésité a été forgé dans les années 2000 pour désigner le risque inhérent à la surconsommation d’informations. De même qu’on devient obèse à consommer à toute heure du jour de la malbouffe (ces produits ultra-transformés conçus, semble-t-il, pour engendrer une addiction), on court le risque de l’idiotie en avalant trop d’informations dont une grande partie serait constituée de « fake news ».
Le concept d’infobésité ne saurait pas être étendu sans précaution au domaine de la formation. Parce que, au contraire de la consommation d’informations sur le Web ou sur les chaînes d’information en continu, on ne peut pas apprendre en restant entièrement passif, le minimum d’activité attendue de l’apprenant lui permettant de forger quelques mécanismes (muscles) mentaux. Puisque, aussi, un contenu de formation est moins facile à produire qu’une information. N’importe qui équipé d’un smartphone peut aujourd’hui produire une information ou une « story » qui pourra instantanément être consommée par des milliers d’autres pékins (je me compte parmi eux !), par exemple, depuis Instagram ; on n’en est pas là dans la formation, où un minimum d’exigence s’impose : savoir ce dont on parle, réfléchir à la façon dont, notamment, on va l’articuler, voire se soucier de la façon dont le contenu va pouvoir être reçu, dans quelle progression, et pour mise en pratique.
Pourrait-on parler de « formabésité » ?
Mais, forgeant au passage un néologisme, on pourrait également parler d’un risque de « formabésité » à considérer l’infinité des ressources du Web ayant vocation à transmettre des connaissances. Qu’on veuille apprendre la guitare, l’anglais, un logiciel, à monter un meuble, à se protéger des coups de soleil, à vaincre un lumbago ou à trouver les voies de son développement personnel, on n’aura que l’embarras du choix. Encore ce terme est-il euphémique : ce n’est pas tant d’embarras qu’il faut parler que d’effroi pascalien devant le silence éternel des espaces infinis, car c’est un fait : l’infinité des contenus disponibles, comme leur facilité d’accès, finit par engendrer un grand silence : tout ou rien, c’est pareil. Qui s’est vraiment essayé à développer un savoir approfondi, et non à résoudre seulement un problème ponctuel, sait, sauf quelques rares élus, qu’il n’a aucune chance d’y parvenir dans la multiplicité foisonnante de ressources principalement hiérarchisées par la foule des clics.
Hiérarchiser les contenus
La foule n’étant pas forcément intelligente, il faut opter pour une autre hiérarchisation que celle du clic. Plusieurs pistes possibles. On exclura ici la question des contenus métiers sur mesure qui demanderait un angle de vue spécifique, pour se concentrer les formations transversales.
Première hiérarchisation possible, celle de la certification d’un contenu ou d’un programme par une institution, ce qui ne doit pas empêcher de procéder à des vérifications, qu’on soit apprenant ou responsable formation. Les référentiels existent, nombreux, souvent de grande qualité, fondés sur des procès rigoureux. Des contenus dont le périmètre est plus limité font aussi, de plus en plus souvent, l’objet de « micro credentials ».
Une autre piste, notamment pour les formations en ligne, consiste à ne puiser que dans des catalogues de contenus pédagogiques digitaux à la réputation bien établie, publiés par des organismes de formation ou des éditeurs issus du Digital Learning, généralistes ou spécialisés. Quelques noms auxquels on pense naturellement : Cegos, Coorpacademy by go1, CrossKnowledge, GoodHabitz, Skillsoft… ou dans des domaines plus ciblés 7Speaking ou Gofluent (langues), le Gymnase du Management, Fictis (RSE)… Des réputations solides résultant de leur ancienneté, de leur réelle vocation pédagogique et d’une volonté chevillée au corps de servir leurs clients au mieux.
Ces deux pistes, qui n’épuisent pas toutes les possibilités de hiérarchiser les contenus de formation, peuvent être croisées (des programmes de formation en ligne certifiés s’appuyant sur des catalogues de grande qualité) pour faciliter la vie des acheteurs de formation. Mais, en matière de simplicité, le compte n’y est toutefois pas encore, car ces contenus provenant de différents catalogues (pourquoi se mettre dans la dépendance d’un seul éditeur ?) devront être intégrés et accessibles depuis le portail de formation unique de l’entreprise cliente.
Quid des market places proposées par les éditeurs de LMS ?
D’ordre technique, la question du portail unique pour délivrer des contenus de divers catalogues tiers concerne aussi les achats : plusieurs catalogues, plusieurs intégrations à réaliser, plusieurs contrats fournisseurs à passer et à conduire.
Les éditeurs de plateformes LMS ont vite entrevu qu’ils pourraient résoudre ce problème en réunissant des éditeurs tiers de contenus sous leur propre bannière, pour se muer en interlocuteur unique (technique et contractuel) du service formation. Ce jeu est toutefois réservé aux leaders du marché LMS, car la sélection et le suivi des partenaires, la curation continue des contenus, l’intégration et la mise à jour des catalogues sur les plateformes clients, sans même parler de l’analyse des besoins de compétences sur laquelle doit s’appuyer le choix des contenus offerts à chaque entreprise : toutes ces tâches, qui sont fortement consommatrices de ressources, dessinent un métier à part entière.
Dans ces activités, Cornerstone se distingue de la plupart des autres opérateurs, pour délivrer un catalogue mixte, pour partie propriétaire (intégrant en particulier le catalogue Grovo acquis plusieurs années auparavant), pour partie constitué de contenus partenaires (cette politique ayant été initiée dès le début des années 2010) ; un catalogue de première grandeur, en nombre de références, en domaines couverts et en qualité.
La curation des contenus par le service formation : market place à part entière
On en est aujourd'hui les services formation n'ont gère d'autre choix que d'assurer, sur leurs propres ressources, la hiérarchisation et la curation des contenus. Cette mission, amenée à prendre une place importante dans leur plan de charge, suppose des objectifs, une méthode, des moyens et des outils, un timing… bref, une stratégie adossée à une vision, visant finalement à créer une market place à part entière dans l'entreprise. Nous y reviendrons.
À suivre.
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